
S’inspirer de la dĆ©marche des Ć©lus de Beaumont
S’inspirer de la dĆ©marche des Ć©lus de Beaumont
Janvier 2020
La confĆ©rence qui suit s’est tenue Ć Reillanne le 17 Janvier 2020. Elle prenait comme point de dĆ©part une expĆ©rimentation menĆ©e en ArdĆØche : les Bogues du Blat, Ć Beaumont. Afin d’en parler les principaux instigateurs de cette dĆ©marche se sont rĆ©unis : Pascal Waldschmidt ā maire de Beaumont, et Jacqueline Mielle ā son adjointe -, ainsi que ValĆ©rie Cudel des Nouveaux Commanditaires et Patrick Bouchain de la Preuve par 7 qui ont accompagnĆ© le projet.
Le 17 janvier 2020, les Ć©lus de Montjustin et Reillanne ont organisĆ©, en partenariat avec le Preuve par 7 et les Nouveaux Commanditaires, une rencontre publique autour du projet portĆ© par la commune de Beaumont, en ArdĆØche, quelques annĆ©es plus tĆ“t. Marie Gerbaud (premiĆØre adjoint au maire de Monjtustin) nous rappelle les similitudes que prĆ©sentent les rĆ©flexions des Ć©lus de Reillanne et de Montjustin, avec ceux de Beaumont : Ā« lāenvie dāapporter quelque chose de nouveau, de āfaire communeā Ā». La parole est donnĆ©e aux Ć©lus de Beaumont, Pascal Waldschmidt ā maire, et Jacqueline Mielle ā adjointe -, ainsi quāĆ ValĆ©rie Cudel des Nouveaux Commanditaires et Patrick Bouchain de la Preuve par 7 qui ont menĆ© le projet de Beaumont. Leur expĆ©rience dāun projet de construction de huit habitations communales dans une commune de 200 habitants est prĆ©cieuse et nous Ć©claire sur le combat menĆ© par ces Ć©lus engagĆ©s et les externalitĆ©s du projet pour le village rural.
Pascal Waldshmidt raconte que Ā« compte tenu de la demande touristique il nāy a pas de marchĆ© pour des logements permanents, les jeunes nāont pas les moyens dāacheter les vielles maisons du village. Cāest pourquoi nous avons dĆ©cidĆ© de faire du locatif afin, entre autres, de sauver lāĆ©cole. Ā» Seulement, Ć Beaumont, Ā« il nāy a pas une usine qui embauche. Pour habiter Beaumont, il faut crĆ©er son emploi, donc il nous fallait choisir des gens qui ont un projet. Puisque sinon, habiter Beaumont nāest pas un cadeau, cāest plutĆ“t sāenterrer. Ā»
En effet, comme Ć Montjustin et Reillanne, Ā«lāenjeu est double : Ć©quilibrer la dĆ©mographie et assurer le fonctionnement Ć©conomique de la commune Ā», comme le souligne Fanny Taillandiers dans son mĆ©moire.
Lāun des premiers obstacles que la Preuve par 7 retient des tĆ©moignages des Ć©lus de Beaumont est dāordre juridique et rĆ©side dans le cadre rĆ©glementaireĀ rigide de la production du logement social en France, qui oblige la maitrise dāouvrage Ć passer par un procĆ©dĆ© de sĆ©lection et dāattribution du logement, selon un certain nombre de critĆØres, qui ne correspond pas au contexte du village.
Patrick Bouchain se souvientĀ : « On a dāabord essayĆ© de dĆ©monter ce qui permettrait de ne pas passer par la liste abstraite du logement socialĀ : quāest-ce qui fait que les Ć©lus dāune commune puissent choisir les habitants qui vont habiter la commune ? On peut comprendre quāun organisme qui cherche Ć rendre rentable les logements sociaux rendent plus gros les organismes, qui deviennent des entreprises. Pour gĆ©rer de lāimmobilier, il faut peut-ĆŖtre une taille critique. Seulement, pour gĆ©rer du social, il faut rester Ć un nombre restreint pour que les gestionnaires connaissent les habitants des logements. Vu lāĆ©chec du logement social, on pourrait se dire que ces organismes peuvent donner une dĆ©lĆ©gation Ć des collectivitĆ©s locales.Ā Ā»
Et Jacqueline Mielle confirme : Ā« CāĆ©tait important que ces habitants, nous connaisse, et se connaissent ensemble. On a donc fait de la cooptation. On prend le temps de savoir si les habitants se plaisent ou ne se plaisent pas. Par contre, bien sur, le groupe de dĆ©part sāest un peu dĆ©litĆ©, mais on sāest arrangĆ© pour trouver quand mĆŖme ā et sans problĆØmes, on a des demandes par-dessus la tĆŖte ā des habitants qui voulaient habiter lĆ . Nous nāavons aucune vacance, jamais une maison ne reste inhabitĆ©e. Ā»
Puis, les Ć©lus ont Ć©tĆ© confrontĆ©s au besoin de trouver les financements pour construire ces logements, dits sociaux. Jacqueline Mielle raconte : Ā« On avait sollicitĆ© lāoffice HLM de lāArdĆØche, qui est reparti en ricanant, car on ne remplissait pas les critĆØres. CāĆ©tait le parcours du combattant, il nous fallait cet agrĆ©ment pour avoir les subventions, des aides pour lāacquisition de prĆŖts Ā». Patrick Bouchain explique en effet que cāest finalement la commune, en sa qualitĆ© de maitre dāouvrage qui a portĆ© lāopĆ©ration, avec lāaide de la Fondation de France. Ā« On a compris quāon avait le droit, par dĆ©faillance des organismes, en se donnant la possibilitĆ© dāĆŖtre maitre dāouvrage. Ā»
DurabilitĆ© des logements par lāassociation des futurs locataires Ć la conception des logements
Le maire poursuit : Ā«Enfin, la faƧon de travailler, de faire Ć©merger ce projet, a Ć©tĆ© particuliĆØre et partait dāun principe innovant : on associe les futurs locataires Ć la conception du projet. Cāest eux qui ont dĆ©cidĆ© de lāorientation de leurs maisons sur le terrain, de la couleur des toitures, les amĆ©nagements intĆ©rieurs. Cāest un moyen pour que les gens sāapproprient leur logement ; ils ont le sentiment dāĆŖtre chez eux car ils ont participĆ© Ć la fabrication de leurs maisons. Pour nous cāest important que les locataires entretiennent soignent, respectent leur logement, surtout pour une commune qui a un si petit parc de logements communaux. Ā»
Patrick Bouchain soulĆØve que « cette histoire peut paraitre contradictoireĀ : Ƨa parait bizarre de demander Ć des gens qui veulent ĆŖtre locataires de choisir le logement quāon va leur construire, Ƨa dure dix ans et on les perd, Ƨa ne sert Ć rien. En fait si, cāest mieux de choisir quelquāun qui dĆ©sire un logement et qui va aider le commanditaire, Ƨa nāest pas grave quāil sāen aille et quāil passe la main a quelquāun qui nāest pas usĆ©, qui reprend le relais et qui ajoute quelque chose, et rend la premiĆØre demande plus universelle, mais toujours chargĆ© du dĆ©sir dāun personne.
On a ratĆ© tout le logement social parce quāon a cru que pour accueillir des gens, des populations jeunes, cāĆ©tait fonctionnel. On a cru quāil suffisait de mettre une douche, des toilettes, une chambre, deux chambres. Ce modĆØle est idiot. Tout le monde est passĆ© par lāimpression dāavoir une idĆ©e de ce que lāon veut pour habiter, avant dāhabiter. Puis, en habitant autre chose, on retourne lāidĆ©e quāon a, on change dāavis, parce que finalement, ce qui compte Ƨa nāest pas le nombre de piĆØces, cāest lāodeur, lāacoustique, la lumiĆØre etc. Mais le logement social est dĆ©shumanisĆ©, parce quāil est attribuĆ©. On ne le choisit pas et on ne peut pas lāĆ©changer. Le grand problĆØme est quāil nāy a pas de rotation, ce qui ne permet pas dāadapter les logements en fonction des alĆ©as de la vie (perte ou changement de travail)
A Beaumont, la construction de logements sociaux ne vient pas dāune intention fonctionnelle, cela vient de lāopiniĆ¢tretĆ© politique, dāun mandat politique : Ā« peut-on loger dans sa commune des gens qui vont permettre un bon Ć©quilibre des Ć¢ges, social ? Peut-on faire autre chose que rĆ©habiliter et construire un logement neuf ? On ne peut pas continuer Ć dire que des maisons tombent en ruines, sont indignes, ne sont occupĆ©es que trĆØs partiellement, alors quāil y a des gens qui aimeraient bien habiter la France rurale, un des plus beaux pays dāEurope. Et jāaime dire « Le petit contient le toutĀ Ā» La petite unitĆ© dĆ©mocratique contient le tout : cāest quoi dāhabiter ensemble, dāĆ©lire quelquāun, de gĆ©rer un ensemble commun ? Tenter dāĆŖtre dans le petit cāest observer ce quāil y a dāuniversel dans le petit. Ā»
Compte rendu de Gaƫlle Cozic, relu par ValƩrie Cudel
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